
« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation ! » Ainsi débute notre passage de la lettre de Paul aux Corinthiens. Paul commence par une parole de bénédiction et de louange en s’adressant à « l’Église de Dieu qui est à Corinthe » (2 Cor 1/1) Et pourtant, les sujets de récrimination envers cette communauté turbulente et indisciplinée sont nombreux. Malgré tous les dysfonctionnements, les tensions, les querelles et les mesquineries, l’apôtre Paul qualifie Corinthe « d’Église de Dieu » et n’oublie aucune bénédiction, aucune joie que cette communauté lui a procurées. Paul est troublé. Il avait projeté de rendre visite aux Corinthiens et il apprend que des membres éminents lui « tirent dans le dos », le critiquent et remettent en question sa qualité d’apôtre. D’autres chefs spirituels se sont imposés et la communauté se divise. Certains sont partisans d’Apollos, d’autres de Pierre, certains restent fidèles à Paul (voir 1 Cor. 3). Lorsque Paul écrit la 2ème lettre, il semble qu’un membre ait été très agressif à son égard, au point de déstabiliser la communauté. Paul renonce alors à sa visite pour ne pas envenimer les choses. Il est d’autant plus éprouvé qu’il vient de vivre une persécution violente à Éphèse, qu’il a été emprisonné et condamné à mort. Dieu l’en a délivré et Paul rend grâce (sa libération n’est pas décrite en 2 Cor.1/10), il remercie tous ceux qui ont prié pour lui et rend grâce au « Dieu des miséricordes et de toute consolation ».
A partir de cet événement, Paul fera l’expérience de la souffrance, de la fragilité, il décrira dans le chapitre 11. 24-33 de cette épître, toutes les tribulations et les épreuves qu’il a endurées. Paul comprend que ses propres forces, son caractère entreprenant et ses dons ne peuvent à eux seuls faire de lui un missionnaire performant mais qu’il n’est rien sans ce Dieu de toute consolation. Il réalise aussi à quel point l’Église du Christ est formée de petites communautés vulnérables et faibles. Le pasteur A. Maillot a intitulé son commentaire de la 2ème lettre aux Corinthiens : « L’église sous la croix ». Ainsi les chrétiens prennent conscience que c’est la croix du Christ qui les porte et les fait vivre.
Les aumôniers d’hôpital rencontrent tout particulièrement des personnes qui souffrent et ne comprennent pas le sens de cette souffrance : « Pourquoi moi ? Qu’ai-je fait à Dieu pour mériter ça ? » Combien de silences lourds et pesants ont fait suite à ces questions ? Comment dire à ces personnes que Dieu nous console et que plus nous souffrons, plus Dieu nous consolera ? Pourquoi alors ne pas parler de la souffrance rédemptrice, celle qui augmente nos mérites en vue de notre salut ? « Qui aime bien, châtie bien » ! dit un proverbe. « J’aimerais mieux que Dieu m’aime un peu moins » a déclaré une paroissienne d’une communauté évangélique à un membre qui voulait la consoler par de bonnes paroles. Il ne faut pas se méprendre sur le sens des paroles de Paul.
Paul ne recherche pas la souffrance mais quand elle survient il puise en Dieu, le réconfort et la force de la vivre. De même, des malades ont témoigné, après coup, que l’épreuve leur a beaucoup appris et qu’elle leur a permis de grandir intérieurement et de repartir en nouveauté de vie. Sur le moment, l’angoisse, la douleur étaient telles qu’ils ne pouvaient pas en comprendre le sens, mais leur foi en Dieu les a portés. Ainsi Paul déclare :« Nous sommes pressés de toute part, mais nous ne sommes pas écrasés, dans des impasses mais nous arrivons à passer, pourchassés mais non rejoints, terrassés mais non achevés (3/8) » et écrit à la suite : « C’est pourquoi, nous ne perdons pas courage et même si en nous, l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (3/16).
Consolés, réconfortés comment le sommes-nous quand notre foi semble vide, quand nous doutons et perdons courage ? Christ a souffert le martyre de la croix, mais nous ne sommes pas le Christ, Paul a écrit qu’il ne perd pas courage mais nous ne sommes pas l’apôtre Paul. Au chapitre 12 de cette épître, Paul fera l’expérience de la maladie, de cette « écharde dans sa chair » et de l’extrême fragilité. Il pensait que Christ allait le guérir et par trois fois, il a prié pour recevoir la guérison. La seule réponse du Seigneur a été : « Ma grâce te suffit car ma force s’accomplit dans la faiblesse » (12/9) Désormais, Paul se sait faible mais il vit de la grâce seule, il se rapproche des autres, il est consolé sans avoir été exaucé et il peut mieux comprendre la souffrance et consoler les autres. Devant la souffrance incompréhensible, comme il est important de rencontrer des frères et des sœurs qui nous accompagnent et vivent cette confiance et cette consolation avec nous ! Dans notre passage, Paul déclare : « Sommes-nous en difficulté c’est pour votre consolation et votre salut » (2 Cor.1/6) Le salut ici est moins une promesse de rémunération dans l’au-delà que cette expérience dont nous avons parlé précédemment, de vivre un parcours intérieur et atteindre une plénitude qui nous rapproche de Dieu. C’est notre espérance personnelle et communautaire.
En toute chose, rester en contact avec Dieu, dans la prière et le silence, se laisser aussi porter par la prière de la communauté, tel est le message de l’apôtre dans ce passage. Cette attitude de confiance est un « trésor que nous portons dans des vases d ‘argile pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non pas de nous » (4/7). Pour conclure, que nous puissions emporter et garder dans notre cœur, cette magnifique citation du poète Paul Claudel : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu l’expliquer mais il est venu la remplir de sa présence »
Amen
Françoise Gehenn, pasteure retraitée