Chers frères et sœurs, chers amis, vous qui êtes ici ce dimanche parce que vous aimez vous retrouver pour louer Dieu avec vos frères et sœurs, ou vous qui êtes simplement de passage, soyez les bienvenus.
Depuis le matin de Pâques et la victoire de la vie sur la mort, nous proclamons le Seigneur ressuscité. C’est pourquoi le calendrier liturgique nous invite à nous réjouir et qu’il s’ouvre traditionnellement, en ce 3ème dimanche après Pâques par le mot Jubilate, qui signifie Soyez Joyeux, plus même, Jubilez !
En ce dimanche Jubilate, Réjouissez-vous !
Que cette joie remplisse nos cœurs, et malgré nos interrogations, qu’elle nous aide à ouvrir nos yeux sur la beauté de la création, à ouvrir nos esprits à l’émerveillement et à la reconnaissance, à ouvrir nos oreilles aux autres, nos prochains, et qu’elle nous permette encore de nous mettre à l’écoute de Dieu.
Prions : O notre Dieu, ce monde est le tien, aide-nous à le préserver.
Cette Création a été conçue par ton amour, aide-nous à la faire vivre de ton amour
Ce monde voudrait un avenir de paix, aide-nous à accepter l’autre dans sa différence et ses richesses, et à l’aimer, quel qu’il soit, où qu’il soit.
Tu as fait de nous tous tes enfants, aide-nous à vivre avec la simplicité des enfants, sans calculs.
O notre Dieu, nous manquons de confiance et nous n’avons pas le courage d’oser, nous laissons les ténèbres nous envahir, nous laissons les ambitions et la cupidité abîmer notre monde, notre terre.
Que ton esprit, que la dynamique que tu peux créer en chacun de nous nous permette d’aller même au-delà de ce que nous espérons.
Mais ce qui nous permet d’espérer, c’est que nous savons que la force donnée par Dieu peut vaincre ces forces négatives et nous permettre de construire chaque jour un monde nouveau.
Annonce du pardon
Alors ne désespérons pas, et ne culpabilisons pas. Nos faiblesses humaines sont réelles mais Dieu nous permet de rebâtir, de reconstruire, de repartir à zéro et de vaincre nos infirmités, le mal, la mort.
Les lectures de ce dimanche :
Ecoutons le début de la 2de lettre de Paul à Timothée :
« C’est pourquoi je t’exhorte à ranimer le don de Dieu que tu as reçu …Car ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse.«
Et pour ceux d’entre nous qui se sentent indignes de l’amour de Dieu, et qui ont peur de ce que l’avenir nous réserve sur terre ou au-delà, rappelons-nous ce simple verset plein de promesses :
« Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, et ta famille avec toi. » Actes 16.31
Lecture de l’épître : Actes des apôtres 17,22-34 :
Lors de son 2ème voyage, Paul est à Athènes, en Grèce. Il est amené à rencontrer le conseil de l’Aéropage, sur le rocher d’Ares où se trouve un autel dédié à un dieu inconnu. C’est en ce lieu que les dirigeants d’Athènes pouvaient juger les personnes accusées de meurtre.
Lecture de l’Evangile : Jean 15,1-8 :
Nous sommes à la fin de l’évangile de Jean, dans ce long discours d’adieu que Jésus délivre à ses disciples. Selon son habitude pour illustrer ses propos, Jésus explique dans une parabole l’attitude requise pour être son disciple.

Message
Je commencerai cette prédication par une courte histoire racontée par le pasteur Gilles Agbenokoudji.
Un paroissien vient rechercher son enfant après le catéchisme.
Qu’as-tu appris aujourd’hui ? lui demande – t-il ?
L’enfant répond : « le pasteur nous a raconté l’histoire de la création. Il y a eu le Bigbang : la mécanique quantique explique que des fluctuations dans le vide quantique peuvent donner naissance à de l’énergie qui permettra la création de la matière. Ensuite, des phénomènes chimiques ont permis à cette matière composée de molécules d’azote, d’hydrogène et d’oxygène de fusionner et, grâce à une explosion nucléaire de les transformer en matière organique. Celle-ci a ensuite évolué pour donner des ARN et des protéines qui vont donner plus tard de petits êtres vivants.
C’est ça l’histoire des origines de la vie sur terre. Ensuite, l’évolution jouera et quelques milliards d’années plus tard, apparaîtront l’australopithèque, puis l’homo erectus, ancêtre de l’humain moderne ».
Le père dévisage son enfant avec surprise et dit : Est-ce vraiment ça que le pasteur vous a enseigné ?
Et l’enfant de répondre en riant : « Pas vraiment, mais si je te disais ce que le pasteur nous a raconté, en lisant le début….. »

Ecoutons donc ce texte.
Genèse 1 et 2 versets 1 à 4
Description extraordinaire… Un peu comme si l’on voyait Dieu, vêtu de la blouse d’un chimiste, le stylo à la main, cochant sur une check-list les opérations successives qu’il doit mettre en œuvre comme un savant, ou comme un chef d’orchestre : d’abord la terre, puis la mer, ah, n’oublions pas les luminaires, puis les animaux, et maintenant l’homme…et je coche une case d’une croix, puis une deuxième case, puis une troisième…jusqu’à 6
C’est un tableau magnifique et d’autant plus beau que la simplicité des mots est accompagnée de tendresse et d’amour : Dieu vit que cela était bon, répété à plusieurs reprises après chaque acte créateur, pour en arriver à l’apothéose : Dieu créa l’homme et la femme à son image et il les bénit.
Ah, si j’étais poète, comme j’aurais aimé avoir le talent d’écrire cette page !
C’est vrai que le tableau est grandiose. Tout s’accomplit en huit paroles qui sont réparties en 3 actes : D’abord Dieu constitue le cadre, la maison que l’homme va habiter, puis le monde qu’il va animer, gérer, diriger (« soumettez-la, soyez les maîtres »). Enfin, il meuble ce palais avec la nature, et il le peuple avec les animaux et l’espèce humaine.
Et tout cela simplement par la parole, seule, avec effet immédiat. Comme cela est écrit dans le psaume 33 : « Il dit, et la chose arrive ; Il ordonne, et elle existe ».
Quelle image extraordinaire que ce Dieu créateur ! Et je peux comprendre le lien de ce texte avec le thème « Réjouis-toi ! » d’aujourd’hui.
Mais au regard de ce que nous vivons aujourd’hui dans le monde, pouvons-nous nous réjouir ?
Pour essayer de répondre à cette question, je voudrais réfléchir avec vous sur 3 points, parmi la multitude des sujets qui ont été soulevés depuis que l’homme existe et qu’il s’interroge sur la destinée humaine.
1er point – Dieu a créé le monde en plusieurs étapes. Pourquoi ?
2ème point – A la fin de chaque étape, Dieu a dit que cela était bon. Mais alors pourquoi et comment le mal ? Dieu n’a-t-il pas bien regardé sa création ou bien lui a-elle échappé ?
3ème point : Suivant la réponse à cette interrogation, comment l’homme que je suis, créé à l’image de Dieu, peut-il s’inscrire dans cette création et se réjouir ?
Je ne suis pas théologien mais depuis ma plus petite enfance, on m’a appris à lire la Bible, à l’écouter à essayer de comprendre, à critiquer notre comportement et à mettre en pratique les grandes orientations des textes bibliques. Je suis parfois un peu lassé des réponses toutes faites que l’on me donne depuis trois quarts de siècle, sans jamais m’apporter de réponse ni claire, ni satisfaisante.
Explorons donc rapidement ces 3 questions relatives à la création.
1ère réflexion : ce sera la plus brève : pourquoi Dieu a-t-il procédé en plusieurs étapes?
Pourquoi, dans les versets que nous avons lus, est-il écrit à 13 reprises : Dieu
dit, Dieu fit, Dieu créa … N’était-il pas de sa compétence de créer le monde en donnant un seul ordre ? Unique, efficace, rapide.
Dans le Talmud, les commentaires de rabbins donnent une explication toute simple mais riche psychologiquement, qui nous oblige à réfléchir à nos actes : si Dieu a agi de la sorte, c’est pour nous faire saisir quelle valeur avait le monde à ses yeux puisque chaque détail en a été pensé et réalisé par une décision particulière de sa part.
Par là même, il tient aussi à nous faire comprendre quelle gravité revêt chaque mauvaise action de l’homme qui peut avoir comme conséquence d’ébranler ce monde créé avec tant de soin, d’équilibre et tant d’amour.
Chaque partie de la création est un domaine dont nous devons prendre soin sous peine d’ébranler la totalité de la planète. On ne peut toucher impunément à l’eau, à la végétation, aux oiseaux, aux animaux, aux reptiles ou aux bêtes sauvages, objets d’une décision de Dieu, sans risquer d’endommager profondément ce qui a été créé dans un ordre où chaque chose a son rôle et sa place.
Par exemple, d’aucuns prétendent que l’on peut déforester la forêt amazonienne, ou africaine, ou lorraine sans que cela soit préjudiciable…Les pandémies récentes ont montré combien notre équilibre était fragile, que le monde était lié aussi à l’existence des forêts et de toutes les espèces animales, et que le perturber pouvait entrainer des conséquences sur notre santé, notre mode de vie.
Les bénéfices du repas qui se déroulera tout à l’heure, organisé par la CIMADE et la CCFD Terre solidaire, serviront, à notre échelle, à alimenter les projets visant à réparer ou à retrouver cet équilibre naturel.
Sur ce premier point, et sans vouloir aller trop loin dans la réflexion, la réponse des rabbins est une invitation, par respect pour notre Dieu créateur, à agir dans le monde.
2ème point – Dieu a dit que cela était bon. Mais alors pourquoi ou comment le mal s’est-il introduit dans cette belle création? Et comment puis-je trouver ma place dans ette création ?
A chaque étape de la création, comme s’il agissait avec prudence, Dieu s’est arrêté et a observé. Puis il a vu que cela était bon et il est passé à l’étape suivante. A la dernière étape, concernant l’homme, il dit même que cela était très bon.
Tout aurait donc dû se passer ensuite dans la quiétude et la paix. Mais alors comment expliquer l’existence du mal ?
Au début du 3ème chapitre de la Genèse, il est écrit : « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux sauvages que l’Eternel avait faits ».
L’auteur de la Genèse fait déjà allusion au mal, ou du moins à quelque chose qui vient perturber ce jardin idyllique. Il constate mais ne se pose pas de question.
Il décrit. Point barre.
Au vu des événements récents en Ukraine, comme dans d’autres pays du monde, au vu des souffrances et des malheurs que nous pouvons rencontrer à chaque page de l’histoire de notre vie ou de celles de notre monde, à quelque époque que ce soit, il y a de quoi s’interroger.
Comment le mal peut-il faire partie de la création et d’ailleurs en fait-il partie ?
J’ai beaucoup lu les conclusions de théologiens ce dernier mois pour préparer ce culte. Je m’aperçois que, suivant le milieu où il vit, suivant l’évolution des découvertes scientifiques, le chrétien qui lit sa Bible et s’en nourrit aura une perception de Dieu très différente, et à partir du même texte, tiré des Ecritures. Pourtant, tous sont sincères et tous veulent créer une relation franche et aimante avec Dieu.
Alors qu’en penser ? Je vais aborder ce sujet en vous proposant cinq pistes sur les rapports entre Dieu et le mal.
1ère piste, 1ère réponse : cette question nous dépasse. Pas la peine de chercher une explication. C’est ce qui nous est dit à la fin du livre de Job ou à la fin de l’Ecclésiaste. Pas la peine de chercher, nous n’aurons pas la réponse. Cette attitude est belle dans sa simplicité et nous demande de faire confiance à Dieu, humblement.
Notre vie est entre ses mains. Nous ne sommes pas Dieu et nous ne connaissons pas son projet. Alors, pas la peine de chercher à comprendre. C’est, de la part du chrétien, avoir une foi simple et admirable.
Mais cette théologie est parfois désespérante car elle n’invite pas à agir contre la souffrance. Elle est même à l’opposé de l’attitude de Jésus qui demande à tous ceux qu’il rencontre de chercher à comprendre, au gré de ses paraboles et de ses discours. Et puis si Dieu nous a créés à son image s’il nous a donné l’intelligence c’est qu’il permet que nous cherchions à comprendre la réalité de ce qui nous entoure.
Finalement, ce Dieu lointain que l’on ne peut pas comprendre laisse de nombreux croyants sur leur faim. Et je ne peux me réjouir pleinement.
2ème piste, 2ème réponse : nous sommes dans un conflit entre le bien et le mal. Dieu affronte un ennemi
C’est la réponse la plus ancienne, celle de nombreuses religions dualiste dans lesquelles s’opposent deux principes fondamentaux : le bien contre le mal, l’esprit contre la matière, Lucifer contre Dieu , Satan contre Jésus.
Elle figure aussi dans notre Bible Apocalypse 2/13 « je sais où tu demeures, je sais que là est le trône de Satan. Tu retiens mon nom, et tu n’as pas renié ma foi, même aux jours d’Antipas, mon témoin fidèle, qui a été mis à mort chez vous, là où Satan a sa demeure ».
C’est une réponse intéressante que l’on trouve souvent dans nos églises chrétiennes. Elle a le mérite d’être claire et elle innocente Dieu. Dieu est bon et il reste bon puisque tout ce qui est mal est attribué à son adversaire. Dieu n’est donc pas cause de nos malheurs et de nos souffrances.
Par contre, cette réponse nie le principe du Dieu unique, elle renie le monothéisme, elle renie donc le principe du Dieu seul créateur et bon. Et puis elle accepte l’injustice puisque lorsque le mal agit et frappe, il frappe les hommes, qu’ils soient bons ou méchants.
Avec cette compréhension de Dieu, tiré elle aussi de l’Ecriture, l’homme n’est qu’un pion, balloté entre deux adversaires. Ce n’est pas non plus réjouissant.
3ème piste, 3ème réponse : Dieu aurait créé la souffrance pour notre bien.
En somme, un médicament amer destiné à nous fortifier.
C’est ce que nous trouvons dans le livre d’Esaïe au chapitre 48/10 : « Je t’ai affiné au creuset, …je t’ai mis à l’épreuve dans la fournaise de l’adversité ».
Dieu est à l’origine de la souffrance, des épreuves, et lui seul. C’est clair et limpide. Si nous souffrons, c’est Dieu qui l’a voulu. Nous devons nous soumettre. Ce qui est devenu dans certaines églises, et en particulier l’église catholique, la théologie de la souffrance rédemptrice. Souffrir pour être éprouvé et pour gagner son paradis.
Mais quelle horreur ! Cette théologie nous conduit à nous soumettre, à ne pas lutter contre la souffrance et elle nous incite aussi à douter de la bonté, de l’amour et de la puissance de Dieu.
Imaginez, dans notre système scolaire, ou dans nos familles, que nous pratiquions la torture pour éduquer nos enfants… C’est inacceptable.
Un enfant handicapé suite à une maladie, une femme violée, des enfants battus, des hommes que l’on mène à l’abattoir dans de camps de concentration. Et ce serait pour leur bien ? La mort, la souffrance seraient l’œuvre de Dieu ? De la part d’un Dieu d’amour ?
Ou alors l’amour de Dieu a une forme que je ne comprends pas.
C’est pourtant cette réponse que nous entendons souvent, même dans nos églises protestantes. Et elle n’a pas de quoi nous réjouir.
Ce Dieu dit d’amour qui fait du mal à ses enfants n’est plus accepté aujourd’hui.
Alors 4ème piste, 4ème réponse, qui donne une place importante à l’homme. Dieu aurait tout crée à l’origine puis il aurait volontairement décidé de se retirer un moment pour laisser à l’homme son libre arbitre, c’est à dire la liberté de faire le bien comme le mal.
De nombreux textes de la Bible nous montrent que Dieu s’absente. C’est le cas du passage de la Chute où Dieu sort du jardin d’Eden et laisse l’homme et la femme seuls pour gérer le monde, mais c’est aussi la situation que nous proposent les Ecritures comme par exemple dans la parabole des Vignerons ou la parable des talents dans Matthieu 25 14/30 qui commence par ces mots :
« Il en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs, et leur remit ses biens ».
Dieu s’écarte donc et laisse l’homme effectuer ses choix en toute liberté. Les résultats seront à la hauteur des actions humaines : elles peuvent être belles, formidablement belles mais elles peuvent aussi nous conduire dans l’abîme.
Cette réponse est intéressante car elle donne un sens à l’activité humaine.
Prenons comme exemple la recherche sur l’énergie nucléaire : elle est bonne quand on y travaille pour améliorer les transports, le chauffage, la médecine, mais elle a aussi produit Hiroshima et Nagasaki. Le meilleur et le pire.
Et il en est de même avec le pétrole, ou l’utilisation de la démocratie, ou tellement d’autres domaines : l’imagination et la générosité pour produire le meilleur, et le résultat qui nous conduit aussi au pire.
Cette réponse est surtout injuste et culpabilisante. Elle nous rend responsable de la mort d’un nouveau-né, des ravages mortels d’un tsunami ou d’inondations répétées comme à Madagascar ou au Pakistan. Tout cela sans que l’on puisse en imputer réellement la responsabilité à l’homme. La mousson, les tempêtes tropicales ont toujours existé, avant même que l’homme n’agisse sur la nature. Font-elles vraiment partie du plan de Dieu ?
Et puis, si Dieu voit tout, sait tout, et laisse l’homme libre, pourquoi n’intervient-il pas pour limiter les effets des actes humains ou pour modifier les lois naturelles du cycle des saisons.
Certains accusent même Dieu de non-assistance à personne en danger. Quand notre enfant même majeur se lance dans une activité dont nous savons qu’elle va lui être néfaste, n’essayons-nous pas d’intervenir ? Pourquoi Dieu ne le fait-il pas ?
Ce Dieu qui s’éloigne pour laisser à l’homme la possibilité d’utiliser son libre-arbitre n’est pas non plus réjouissante. Elle donne à l’homme une responsabilité qu’il ne peut assumer et elle remet en cause la puissance et la bonté de Dieu.
Il en reste une dernière piste, la 5ème réponse : Dieu poursuivrait encre aujourd’hui son œuvre de création
-Pour simplifier, Dieu serait puissant mais ne pourrait pas tout faire en un instant. La création en 6 jours aurait une suite. L’œuvre de Dieu s’inscrit dans une durée qui n’est pas la nôtre et qui échappe à notre compréhension (rappelez-vous un jour = 1000 ans).
-Dieu n’est la cause que du bien mais il y a encore du chaos dans ce monde et Dieu l’organise progressivement. Pour y parvenir, il a créé l’homme à son image et il l’appelle à agir avec lui dans ce chantier dont il lui a donné la gestion.
Cette piste elle aussi est étayée par de nombreux passages bibliques :
- tous ceux qui disent que le Royaume de Dieu vient, qu’il est à attendre, à préparer, affirmant donc que nous participons à la mise en place de ce royaume, et par là même à la création.
- la prière sacerdotale : « Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre » l’œuvre n’est pas terminée…
- c’est aussi le psaume 121 , ce psaume bien connu :« Je lève mes yeux vers les montagnes… D’où me viendra le secours? Le secours me vient de l’Eternel, Qui a fait les cieux et la terre ». Des exégètes ne partagent pas cette traduction qui correspond à une théologie particulière et qui donne l’action de Dieu au passé ; « qui a fait les cieux et la terre ». Le verbe est au participe présent dans le texte hébreu, ce qui veut dire que Dieu est encore et toujours en train de créer.
Une vision de Dieu forcé de prendre son temps et de partager le travail de création avec l’homme remet elle aussi un peu en cause notre image de Dieu tout puissant, mais elle nous propose aussi un Dieu totalement innocent de toute souffrance, un Dieu source d’une dynamique d’évolution positive, qui donne à l’homme un rôle responsable le poussant à agir dans le sens de l’amour, principe fondamental de la création, avec Dieu, pour Dieu et pour les autres.
Cette piste entre parfaitement dans les recommandations du livre de la Genèse qui nous rappelle que nous sommes gérants de la terre et que nous devons préserver la planète.
Tout un programme qui a l’avantage de promouvoir l’homme, de le pousser à s’investir, en le laissant à sa place, comme aide de Dieu.
3-Maintenant que je me sens plus à l’aise avec ce dernier visage de Dieu, moi qui ai été créé à son image, comment puis-je trouver ma place dans la création et me réjouir ?
Revenons à notre texte de ce jour :
– « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre n’était que chaos et vide. Il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme et l’Esprit de Dieu planait au-dessus de l’eau »
Avec quelques nuances, toutes les traductions nous proposent la même description : le chaos, le tohu bohu. Il y avait donc un abîme, une masse, des ténèbres, de l’eau séparées par du vide et c’est là que l’esprit de Dieu va agir.
Petite remarque supplémentaire, le dictionnaire de la Bible traduit l’expression « l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux » par « reposait comme l’oiseau qui couve pour réchauffer ses œufs ». C’est une très belle image qui illustre l’amour de Dieu pour sa création, comme une mère pour ses petits.
Dieu agit, et il vit que cela était bon, très bon Ce n’est pas encore la perfection, sinon il l’aurait dit, mais aussi parce que deux chapitres plus loin il nous est dit que le serpent est intervenu, quelque soit sa forme d’ailleurs. La création peut encore être améliorée. C’est bien cette image de Dieu que nous montrent toutes les pages de l’Ecriture : un Dieu organisateur qui cherche à transformer l’existant et à l’améliorer.
Dans ce passage de la genèse, Dieu prend de ce qui est issu du chaos et lui donne une nouvelle dimension. Cela n’a rien de surprenant, c’est aussi le message que nous envoie la vie de Jésus qui agit mais qui ne fait rien à partir de rien :
S’il donne du bon vin à Cana, un vin excellent même, c’est à partir de l’eau.
S’il nourrit des milliers de personnes, c’est à partir de quelques pains et de deux poissons que lui donnent les disciples ou la foule.
Il guérit, soigne, ressuscite, toujours à partir d’un manque ou d’une souffrance.
Bref, pour que Dieu agisse comme créateur, il lui faut une base de départ.
Que ce soit dans le monde comme dans nos vies. Il peut transformer le vulgaire en noble, la tristesse en joie, le deuil en danse, la mort en vie, le mal en bien.
Dieu est pour chacun de nous une puissance de transformation. Avec nous, il transforme sa création. Avec Dieu, nous sommes aussi des créateurs.
Alors la question est donc pour nous de savoir ce que nous allons apporter à Dieu pour qu’il le transforme. Quels sont nos pains et nos poissons, quelle est l’eau que nous voudrions qu’il transforme? Quelle accroche allons-nous lui offrir pour aider à la transformation du monde, à celle de nos vies, pour aller vers le mieux ?
De quoi ai-je besoin ? Qu’est-ce que j’apporte pour lui permettre de créer une dynamique agissante et positive?
Je veux la paix et la concorde dans ma famille? Quels sont les gestes que j’ai déjà effectués, quelle est ma disposition d’esprit ?
Et en me référant à ses commandements, à celui d’amour pour les autres en particulier, nous agirons et transformerons le monde, non sans difficultés parfois. Si je vous parle de l’Abbé Pierre, de Martin Luther King ou de Sœur Thérésa, vous voyez que cela est possible. Bien sûr, ce sont des personnes exceptionnelles, mais je pourrai citer aussi tel responsable d’association, mon voisin, mon instituteur, mon chef d’équipe, mon épouse, qui tous portent en eux des initiatives et de l’amour pour changer le monde !
J’aimerai que notre monde vive la paix. Quel est mon engagement dans ma famille, dans mon quartier, dans ma cité, dans mon pays ?
Nous pourrions parler, à cet instant de l’engagement des membres du CCFD, de la CIMADE, de tous les envoyés de nos églises oeuvrant pour le développement, mais aussi les membres de la Croix Rouge, du Secours Populaire, du Secours Catholique, ou de « Brot für die Welt ».
La vie de ma paroisse est pauvre. Que suis –je prêt à effectuer pour la revivifier ? Combien d’heures par semaine, combien de jours par mois puis-je lui consacrer ? Et il n’y a pas de jugement à porter. Chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a.
Et si je ne peux donner du temps, de la participation active, je peux aussi prier. Non pas en demandant à Dieu d’être un magicien, mais en lui demandant de nous aider à aller dans le sens de la vie, de la joie, de la paix, avec lui, et pour les autres.
« J’ai prié et ai fait brûler un cierge pour que mon enfant réussisse son examen »
Combien de fois n’ai-je pas entendu cette phrase ! C’est vrai que j’aurais préféré entendre : j’ai fait brûler un cierge pour montrer à mon fils que j’avais confiance en lui parce qu’il a beaucoup travaillé pour réussir son examen et j’ai prié pour qu’il ait confiance en lui.
Dieu nous invite à prendre soin de sa création et à l’améliorer. N’est-ce pas aussi le message de la parabole des vignerons que nous avons entendue tout à l’heure ? Ou celle des talents !
Le maître s’en va et il laisse sa vigne aux mains des ouvriers dont le travail consiste à la soigner, à la tailler, afin qu’elle produise du vin que les ouvriers pourront boire ensuite… et Dieu aussi !
Le maître, c’est Dieu, la vigne, c’est le monde, les ouvriers, c’est nous. Dieu nous laisse seuls pour travailler et améliorer sa vigne.
Les derniers versets de la parabole sont aussi clairs :
« Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. Vous porterez beaucoup de fruit »
Demeurez en moi, vivez selon les préceptes d’amour que je vous ai donnés, demandez-le moi par vos gestes et vos paroles et vous aurez beaucoup de fruits. L’avenir de notre terre est entre nos mains et pas seulement entre celles de Dieu.
Alors oui, mes frères et sœurs, je peux me réjouir. Je crois que le monde peut s’améliorer. Je crois que Dieu a déjà beaucoup donné Je crois que j’ai un rôle à jouer et que je suis utile dans la transformation du monde.
Et cela me donne de la joie, de l’enthousiasme parfois, de la responsabilité aussi.
Jubilate.
Oui, le mot d’ordre de ce jour est un beau message : Réjouissons-nous car nous ne sommes pas des marionnettes, des jouets qui tournent au gré du vent.
Le monde est extraordinaire. Regardez autour de vous les merveilles de la nature, de la plus petite cellule au grand mouvement des galaxies, de l’organisation d’une ruche à celle de notre cerveau, regardez ce que nous offre la science, laissez-vous toucher par le regard d’un enfant , le sourire d’une mère qui met son enfant au monde, le geste de tendresse d’un chatte qui allaite ses petits, par le regard de la personne qui partage votre vie, par l’extraordinaire combinaison musicale de telle symphonie ou le jeu des couleurs de ce tableau… Autant de merveilles que nous côtoyons souvent sans les voir et qui nous apportent la paix et la joie.
Certes, il y a aussi les enfants qui souffrent, les malades et les « sans espoir », les tués, les victimes de la folie humaine, comme tous ces soldats russes et ukrainiens, et tous ceux qui près de nous n’ont de quoi se nourrir. Ce n’est pas la faute de Dieu. C’est parfois la nôtre collectivement. Mais face à ces drames, des hommes et des femmes se sont levés courageusement pour améliorer le sort des hommes et de notre planète.
Face au mal, je me réjouis de voir tous ces engagements, et je me réjouis de pouvoir y participer, pour Dieu et pour les hommes.
Dieu m’a donné un rôle. Il me laisse agir.
Merci pour cette responsabilité.
Jubilate.
Amen…
Prédication de Jacques Gallant, fruit de réflexions personnelles, étayées par des textes publiés dans des sites protestants »
